La belle Alda
premiers poèmes. Ses textes intenses et dramatiques réunis
dans Terra Santa lui valent le prix Librex Montale en 1993.
Amie de Salvatore Quasimodo et de Eugenio Montale, tous deux
lauréats du prix Nobel de la Littérature en 1959 et 1975, elle est
considérée en Italie et dans le monde comme l’une des plus
grandes poétesses du XXème siècle.
Etait-ce plus qu'un phénomène social de communication ? Le mélange de cris de désespoir, de délire assumé et de mysticisme sensuel, totalement décalé par rapport à son temps, brouillait la notion formaliste de la poésie et correspondait en même temps à un stéréotype du poète maudit.
Alda Merini faisait partie de ces écrivains pour lesquels s'exprimer sous forme poétique était communiquer avec un monde de transcendance, de marginalité et de pauvreté. Son exaltation ne l'isolait pas, elle la rapprochait de ses lecteurs.
Source
Quand l'homme emprisonne
les beautés de la nature
et aussi le vol des oiseaux,
parfois, il ne le fait pas par méchanceté.
Je suis convaincue que
quand l'homme s'étonne
des hautes qualités de Dieu et de la nature
il peut aussi devenir un assassin.
L' uomo quando imprigiona
le bellezze della natura
e anche il volo degli uccelli,
a volte, non lo fa per cattiveria.
Io sono convinta che
l'uomo quando si stupisce
delle alte qualità di Dio e della natura
può anche diventare un assassin.
La tromperie
Après tout même toi
que je devrais sentir ennemi
et que je pardonne.
Tu es seulement un homme
qui essaie de comprendre
et de ne comprendre personne.
Ta générosité
est aussi fausse que la mienne.
Aucun de nous
n’est assez bon
pour faire sortir
les miracles des vers.
Aucun de nous
n’est assez pur
pour les oublier
à jamais.
Dopo tutto anche tu
che dovrei sentire nemico
e che perdono.
Sei soltanto un uomo
che cerca di capire
e di non capire nessuno.
La tua generosità
è falsa come la mia.
Nessuno di noi
è talmente buono
da far sortir
miracoli dai versi.
Nessuno di noi
è talmente puro
da dimenticarli
per sempre.
Ensevelie
dans l’amour de tous,
je n’ai plus un souffle de jeunesse.
Je voudrais escalader des montagnes énormes,
embrasser les murs de ma maison,
me sentir sale pleine de boue.
Pourtant ici chaque jour
Ils prennent soin de moi.
Et lentement ça m’éteint.
Sepolta
dentro l’amore di tutti,
non ho più un respiro di giovinezza.
Vorrei scalare montagne enormi,
baciare i muri della mia casa,
sentirmi sporca di fango.
Eppure qui ogni giorno
hanno cura di me.
E questo lentamente mi spegne.
La folie est un artisanat.
Un puzzle,une ruse du cerveau.
Je crois que le fou
est très futé,
ou seulement opportuniste.
La folie est une translation
où l’on porte la réalité
pour la rendre incandescente.
La folie est un état
d’excitation
et souvent de bien-être.
La follia è un artigianato.
Un puzzle, una furbata del cervello.
Credo che il folle
sia un gran furbo,
o solamente un opportunista.
La follia è un traslato
dove si porta la realtà
e la si rende incandescente.
La follia è uno stato
di eccitazione
e spesso di benessere.
En 1947, se révèlent les premiers signaux de la maladie qui la mènera à l’internement en 1965. Celle que Pasolini surnommait « la gamine milanaise » entra selon sa propre expression dans une « morte parenthèse ». Après un silence de vingt années, elle recommencera à écrire. Son recueil « La Terra Santa » paraîtra en 1984, suivis de nombreux autres dont "L’altra verità. Diario di una diversa "
Ma poésie est vive comme le feu,
elle glisse entre mes doigts comme un rosaire.
Je ne prie pas, car je suis un poète de la disgrâce
qui tait parfois le travail d’une naissance d’entre les heures,
je suis le poète qui crie et joue avec ses cris,
je suis le poète qui chante et ne trouve pas ses mots,
je suis la paille sèche où vient battre le son,
je suis la berceuse qui fait pleurer les enfants,
je suis la vanité qui se laisse chuter,
le manteau de métal d’une longue prière
d’un vieux deuil du passé et qui est sans lumière.
Maria Mérini s'est éteinte le 1er novembre 2009 à Milan
Ma participation pour les Croqueurs de mots et ses jeudis en poésie
Les photos de smoke art sont de Graham Jeffery